L’AUTOMNE
C’est l’automne.
J’ai 7 ou 8 ans. Je reviens de l’école.
C’est presque fin septembre.
Bientôt mon anniversaire.
Je ne sais pas ce que j’ai.
Je suis comme « heureux d’être malheureux… sans l’être »
comme le chante monsieur Vigneault.
Déjà, à cet âge, je sais qu’il se passe « quelque chose » d’étrange.
Mais je ne suis pas encore capable d’identifier ce que c’est.
Plus tard, je saurai… Un peu mieux.
Pas complètement, c’est sûr.
Je saurai que c’est l’automne qui me met le cœur
dans un état pareil
et qu’il tient tout entier dans la qualité d’une lumière
qui n’a plus la crudité,
la sauvagerie presque, de celle de l’été.
Je saurai que c’est l’automne
et qu’il fabrique une lumière à nulle autre pareille,
une lumière transparente,
qui illumine et transfigure les hommes
et toutes choses y baignant.
Une lumière moins tapageuse que celle de juin.
Les peintres et les photographes
en connaissent long sur la question.
Et je saurai, à chaque automne,
comme je le savais à l’époque sans vraiment le savoir,
la journée exacte où ce changement se produit.
On se lève un matin, on regarde dehors.
C’est à n’en pas croire ses propres yeux.
Mais on ne le sait pas seulement avec ses yeux.
On le sait avec tout son corps en alerte.
Un corps réjoui. Un corps transfiguré.
L’automne sied si bien à l’homme.
Un vêtement sur mesure.
- À suivre